Auteur du devenu culte Le Dégoût (2009, également reparu récemment en poche chez Métailié), long monologue fielleux et enfiévré d’un exilé salvadorien au Canada revenu dans son pays pour y constater son pourrissement, Horacio Castellanos Moya s’est forgé depuis quelques années en France une réputation d’estime. Nous attendions donc avec gourmandise son nouveau roman, social, acerbe, au style inimitable d’un fougueux bavard qui s’interromprait à peine pour respirer, et uniquement lorsque le sac serait vidé.

Deux immigrés du Salvador (pays ultra-violent d’Amérique latine) aux Etats-Unis, au passé ambigu et à la situation précaire (qu’elle soit réelle ou mentale), se voient rattrapés par un destin lié à la guerre, la violence et la paranoïa. Deux hommes pour deux styles d’écriture, la première partie plus abrupte et mutique à l’image de son personnage, la seconde bien plus proche du style véhément et pétri de mauvaise foi (jubilatoire !) de l’auteur, à l’image du second personnage. Un dénouement dans les toutes dernières pages, qu’on trouvera absurde, inévitable, pourquoi pas comique selon le degré d’empathie que l’on aura développé ou non avec les protagonistes. Une seule certitude, le long de ce chemin littéraire peu convenu : la peinture de l’Amérique moyenne, ou profonde, vue par des immigrés qui n’ont rien – en apparence – de victimes, est vive et pertinente.

Horacio Castellanos Moya, Moronga, traduit de l’espagnol (Salvador) par René Solis, Editions Métailié, 2018, 352 pages, 22 €

  • Prix Transfuge du Meilleur roman d’Amérique latine – 2018

 

Un conseil lecture de Paméla.