Coup de cœur de Paméla

12 nouvelles d’amours d’enfants et d’adolescents, en bord de mer, à la campagne ou en montagne, dans lesquelles le style faussement simple monte en puissance contenue, sereine.
Lue d’une traite tant c’est doux et plaisant, cette bulle dans le temps rappellera beaucoup de souvenirs à ceux nés entre 1968 (date de naissance de l’auteur) et 1988, mais elle reste également très juste pour comprendre nos enfants d’aujourd’hui qui n’ont rien perdu de cette fragilité et de ces empêchements.
Comme un temps océanique, certaines se couvrent tour à tour d’un voile menaçant et d’une belle lueur d’embellie. D’autres serrent le cœur sans le broyer, lui laissant toute la place de revenir battre à son rythme. Il fallait beaucoup de délicatesse et le refus obstiné de céder à la vulgarité et au voyeurisme pour rendre ces petites touches d’émois entre deux (ou trois !) êtres en construction.

 

Marc Villemain, Il y avait des rivières infranchissables

Joëlle Losfeld éditions, octobre 2017

152 pages, 14,50 €

 

 

Présentation de l’éditeur :

Un premier regard échangé derrière une haie, un premier baiser volé parmi les fleurs d’une clairière, une première étreinte maladroite dans un lit trop petit. Dans un recueil de nouvelles porté par une langue précise et évocatrice, Marc Villemain met en scène la naissance du sentiment amoureux, l’hésitation initiale de jeunes gens qui, en découvrant l’autre, se révèlent à eux-mêmes. Les détails – un morceau de chocolat pour le goûter, une chanson dans une salle de fête communale, une balade à vélo sous le soleil d’été, la sensualité d’un sein aperçu – nous emportent dans un voyage tendre et bienveillant, brutal parfois, celui d’un homme qui explore les vertiges et vestiges de ses amours passées.
On pense à Dominique Mainard, à son art d’aborder avec délicatesse les sujets les plus intimes, passant de la noirceur à la légèreté avec une élégance infinie.

 

 

Extrait :

Elle n’est pas comme les autres.
Pas forcément plus jolie : plus souveraine. Elle a de ces regards clairs, perçants, qui impressionnent – lui, en tout cas, ça l’impressionne. Les autres sont pomponnées, jupette et talons, rimmel paillettes et fard, caraco et décolleté plongeant. Elle non. Pas besoin. Son jean et ses grosses godasses en cuir, sa chemise à carreaux et ses couettes – tellement anti-pin-up que des fois on la croirait droit sortie de La petite maison dans la prairie.
Tout le monde danse, être une femme libérée tu sais c’est pas si facile, lui reste  dans la cuisine avec ses potes, cinq verres et une Jenlain. Ils attendant sans trop savoir eux-mêmes ce qu’ils attendent. Se mettent en marge sans être des marginaux. Ne se sentent pas différents mais d’une autre confrérie, d’un autre groupe humanoïde. Ils se marrent, passent leur temps à se marrer : c’est que la vie leur fait peur, alors ils se marrent pour la conjurer. Et s’ils boivent c’est qu’ils n’attendent rien d’elle, rien qu’un abrutissement un peu sauvage, que cette sorte de joie un peu désespérée que procurent parfois l’avilissement, la régression au soi pur, le fantasme d’un état premier. Parce qu’ils ne veulent pas vieillir, qu’ils ne veulent pas prendre leur place dans le trafic et que de toute façon ils ne sauraient pas. Et quand ils chantent Antisocial, ce n’est pas comme ceux-là qui le brament pour rigoler, ou par dérision, eux c’est vraiment parce que c’est ce qui leur parle, qu’ils reconnaissent dans ce grand désarroi, ce qui résonne au fond de leurs petits cœurs velléitaires. (Pages 108-109)